L’organisation des services d’accès à la marihuana à des fins
médicales dans les établissements de santé et de services sociaux
L’organisation des services d’accès à la marihuana à des fins médicales vise à assurer la continuité des soins pour les patients hospitalisés et hébergés déjà inscrits au Programme d’accès canadien.
Il peut aussi arriver que la décision médicale d’initier un traitement à la marihuana à des fins médicales survienne lors d’une hospitalisation. En tout temps, le traitement à la marihuana devrait constituer un choix thérapeutique de dernier recours et être envisagé lorsque les autres alternatives thérapeutiques ont été épuisées. Dans ses directives aux médecins concernant l’ordonnance de cannabis séché à des fins médicales, le Collège des médecins du Québec (CMQ) recommande de considérer d’autres options thérapeutiques avant de prescrire le cannabis. Ces options sont notamment les autres formes de cannabinoïdes autorisées sur prescription par Santé Canada. À titre d’exemples, mentionnons les comprimés de nabilone (CesametMC), de dronabilone (MarinolMC) et les nabiximols en aérosol (SativexMC).
Dans ce contexte, dès que l’évaluation médicale du patient indique que le
traitement doit se poursuivre, le pharmacien de l’établissement doit mettre
en place les actions appropriées pour fournir le traitement selon les
modalités prévues dans l’établissement. Le Règlement fédéral sur la
marihuana prévoit que le conseil d’administration de l’établissement peut
autoriser les pharmaciens à se procurer de la marihuana auprès d’un PA
pour des clientèles de l’établissement. Les PA qui vendent la marihuana
doivent expédier la marihuana fraîche ou séchée ainsi que l’huile de
cannabis de façon sécuritaire dans des emballages scellés. Une liste des
PA est disponible sur le site web de Santé Canada pour les besoins des
patients et des professionnels de la santé.
Dans un tel cas, la prescription, l’usage clinique, la distribution et
l’administration du produit doivent être conformes aux modalités et aux
règles d’utilisation approuvées par le conseil des médecins, dentistes et
pharmaciens (CMDP) de l’établissement, conformément aux
recommandations du comité de pharmacologie et aux directives du CMQ.
Modalités entourant l’accès à la marihuana et sa prescription dans
les établissements de santé et de services sociaux
Bien que la marihuana ne soit pas considérée comme un médicament et
qu’il y ait encore peu de données probantes démontrant son efficacité et
son innocuité, il n’en demeure pas moins que les établissements de santé
et de services sociaux devront assurer la continuité des soins en offrant
l’accès à la marihuana à des fins médicales, aux patients dont l’état de
santé le requiert, selon certaines conditions. L’accès à la marihuana à des
fins médicales représente un défi additionnel pour les professionnels des
établissements en raison des mécanismes de contrôle et de gestion qu’il
faut mettre en place lors de son utilisation.
Les directives du CMQ à ses membres concernant l’ordonnance de cannabis séché à des fins médicales prévoient notamment que les médecins doivent se soumettre aux dispositions suivantes :
- L'usage du cannabis séché à des fins médicales n'est pas un traitement reconnu.
- L'usage d'un traitement non reconnu ne peut se faire que dans un cadre de recherche.
- Depuis le 1er avril 2014 et jusqu'à nouvel ordre, seules certaines indications devront être considérées. Ces conditions sont décrites dans les directives du CMQ.
- Avant d'envisager l'usage du cannabis séché dans le traitement d’une condition médicale, d'autres options thérapeutiques devront être considérées, notamment d'autres formes de cannabinoïdes dont la prescription est autorisée par Santé Canada.
- Le médecin sollicité doit s’informer et aviser son patient du fait que le cannabis séché ne pourra être prescrit que dans le cadre d’un projet de recherche.
- Avant de prescrire du cannabis séché, le médecin devra obtenir le consentement écrit du patient participant à un projet de recherche (formulaire de consentement) et procéder à une évaluation médicale complète (formulaire d'évaluation et de suivi).
- Au moment de prescrire du cannabis séché, le médecin devra prévoir le suivi du patient conformément au formulaire d'évaluation et de suivi et garder un registre de tous les patients auxquels il aura prescrit du cannabis séché.
- Il est interdit au médecin de fournir directement au patient du cannabis séché ou de faire commerce de cannabis ou de cannabinoïdes.
- Le médecin prescripteur devra collaborer avec le CMQ et ses partenaires au recueil de données scientifiques permettant d'améliorer les connaissances et les pratiques sur l'usage du cannabis à des fins médicales et d'assurer la sécurité des patients.
Le médecin qui prend la décision de continuer ou d’initier le traitement de marihuana à des fins médicales doit en faire la demande auprès du CMDP de l’établissement. Les pharmaciens et les médecins doivent déterminer les modalités de prescription, les règles d’utilisation et établir les protocoles d’usage clinique en tenant compte des directives du CMQ sur l’ordonnance de cannabis à des fins médicales.
Les pharmaciens doivent planifier et prodiguer les soins pharmaceutiques aux patients, exercer un suivi et proposer des alternatives à la marihuana, le cas échéant. Afin de répondre aux normes, le dossier pharmaceutique du patient devrait inclure toutes les informations concernant la marihuana (Ex. : le type de produit, sa teneur en tétrahydrocannabinol – THC, la dose prescrite, la posologie, la fréquence et le mode d’administration, etc.).
La gestion de la marihuana dans les établissements de santé et de
services sociaux
Le nouveau Règlement pour l’accès à la marihuana à des fins médicales,
prévoit explicitement que le pharmacien qui exerce sa pratique en
établissement de santé doit assurer la gestion de la marihuana. Ainsi, le
chef du département de pharmacie de l’établissement est responsable de
la gestion de la marihuana incluant l’approvisionnement, l’entreposage, la
préparation, le reconditionnement et son utilisation. Dans ce contexte, les
pharmaciens de l’établissement doivent déterminer les modalités
d’approvisionnement, de contrôle, de distribution et d’administration
sécuritaires, et encadrer l’usage thérapeutique de toutes les formes de
marihuana y compris la forme séchée utilisée à des fins médicales.
Les pharmaciens, en collaboration avec les infirmières, doivent mettre en œuvre les modalités d’entreposage sécuritaire et s’assurer d’appliquer les procédures de contrôle appropriées pour chaque dose administrée. Il est demandé d’adopter des mesures de contrôle similaires à celles mises en place pour le contrôle des stupéfiants et autres substances contrôlées.
Il appartient à l’établissement de fournir la marihuana aux patients admis
ou hébergés en établissement de santé et de services sociaux dans le but
de s’assurer de la qualité et de la salubrité du produit ainsi que de sa
provenance. L’usage de la marihuana étant autorisé sur prescription
médicale, elle fait partie intégrante du plan de traitement. Le Règlement
d’application de la Loi sur l’assurance-hospitalisation prévoit que les
traitements administrés aux patients sur place dans les établissements de
santé doivent être fournis gratuitement. Dans ce contexte, l’établissement
ne peut exiger des patients aucun paiement pour les traitements qui leur
sont administrés lorsqu’ils sont hospitalisés ou hébergés.
Exceptionnellement, en cas de délai d’approvisionnement, le patient peut être autorisé à utiliser ses doses personnelles dans la mesure où celles-ci ont été fournies par un PA et que le patient peut en fournir la preuve (Ex. : nom du prescripteur, coordonnées du PA, preuve d’inscription de la personne par Santé Canada, etc.). Les doses personnelles doivent être confiées à la pharmacie de l’établissement pour en contrôler l’usage et en assurer l’entreposage sécuritaire. Advenant le cas où le patient ne peut fournir la preuve que ses doses personnelles ont été fournies par un PA, le médecin traitant devra en être avisé et celui-ci conviendra avec le pharmacien de l’alternative thérapeutique appropriée.
Les modalités d’administration de la marihuana à des fins médicales
Le Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales de
Santé Canada implique notamment la forme séchée de marihuana. En
vertu de l’article 1 du Règlement d’application de la Loi sur le tabac au
Québec, est assimilé à du tabac, tout produit qui ne contient pas de tabac
et qui est destiné à être fumé. La marihuana destinée à être fumée,
même à des fins médicales, est ainsi assujettie à la Loi sur le tabac et est
donc sous le coup de l’interdiction de fumer dans les installations
maintenues par un établissement de santé et de services sociaux. Par
conséquent, les modalités entourant l’administration des doses séchées
de marihuana doivent tenir compte des dispositions de la Loi sur le tabac
et des installations disponibles.
En tout temps, les établissements de santé et de services sociaux doivent
être préoccupés par l’exposition des travailleurs et des patients à la fumée
du tabac et de la marihuana séchée. Bien que la littérature scientifique
soit peu abondante sur les mesures spécifiques à prendre pour protéger
les travailleurs de l’exposition à la fumée de la marihuana séchée, les
établissements devraient mettre en œuvre des mesures comparables à
celles mises en place pour le tabac. Dans ce contexte, l’Association
paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires
sociales a publié un guide pour proposer des mécanismes, afin de
protéger les travailleurs à l’exposition de la fumée du tabac.
Afin d’éviter au personnel soignant l’exposition à la fumée, notamment
dans les cas où les patients sont grabataires ou ont une mobilité réduite,
l’une des modalités évoquée par des médecins experts consultés serait
l’administration de la marihuana en inhalation par vaporisation. La
marihuana séchée est alors chauffée à haute température (combustion)
dans un appareil de vaporisation qui transforme la marihuana sous forme
de vapeur pour être ensuite administrée par inhalation au patient.
Cette technique est connue et utilisée pour l’administration par inhalation de diverses herbes médicinales sous forme séchée. Il existe sur le marché un vaporisateur homologué (VolcanoMC), certifié et approuvé par Santé Canada, qui est notamment conçu pour l’administration de marihuana séchée. L’utilisation d’un vaporisateur homologué est privilégiée pour l’administration en établissement de la marihuana séchée. De plus, l’utilisation d’une chambre à pression négative devrait être envisagée, afin de minimiser l’exposition des travailleurs de la santé et des autres patients à la fumée secondaire.